Hino Akira, la marche d’un Budoka

Hino Akira, la marche d'un Budoka

Vers la France (et la Belgique) !

Hino Akira Senseï Profile

Pour notre premier article traduit du magazine Hiden (volume de juillet 2011), nous avons choisi un article traitant de Hino Akira senseï. Pourquoi lui ? Parce qu'il est de plus en plus connu en France (et en Europe), et que justement, cet article concerne... ses voyages en Europe. Et également parce que l'un des membres de l'équipe a suivi son enseignement pendant quelques mois. Que pense-t-il de l'enseignement qu'il donne et de la façon dont les élèves le reçoivent ? Que pense-t-il de la pratique du Budo en Europe ? Cet article est présenté sous la forme d'un récit raconté par Hino Akira lui même. Nous illustrerons l'article via les photos et vidéos mises à disposition sur le site et la chaine youtube de Hino senseï.

Hino Akira Senseï

Biographie :
Hino Akira est né le 4 février 1948 et est originaire du Kansaï (Osaka). À l'école secondaire il est choisi comme représentant olympique en gymnastique artistique aux Jeux Olympiques de Tokyo (1964). Après une adolescence difficile parsemée de nombreuses bagarres et rixes, il commence une carrière de batteur de free-jazz. C'est d'ailleurs sa pratique de la musique qui le mènera aux arts martiaux qu'il débute par la pratique d'une ancienne forme de Shorinji Kempo. Son petit gabarit lui pose rapidement problème et il se met en quête d'un art martial où la différence de taille et de force n'est pas un facteur déterminant. En parallèle de sa pratique du Shorinji Kempo, il essaye donc de nombreuses écoles, tout en continuant à progresser dans sa carrière de batteur professionnel. Il s'oriente finalement vers le Karate Shito-Ryu qu'il pratique pendant quelques années, puis à l'âge de 30 ans, il commence à enseigner à Osaka pour se concentrer sur sa recherche d'un Budo "authentique". Il rencontrera par la suite des maitres comme Hatsumi senseï (Ninjutsu), ou Shioda senseï (Aïkido) qui l'inspireront dans sa recherche mais dont il ne suivra pas l'enseignement. Pour approfondir encore plus dans le Budo, il se lance dans la construction de son propre dojo dans les montagnes de Wakayama (Kumano). Un travail titanesque qui lui prendra, à lui et ses élèves, une dizaine d'années. Là il recherche, applique et enseigne les méthodes de développement qu'il a créées tout au long de ses années de recherches. Son principe central est "comment arriver à avoir une véritable "force" qui ne décline pas avec le temps". Sa méthode "d'utilisation du corps", très universelle, s'applique aujourd'hui aux Budo, mais également aux sportifs en général et même aux danseurs. Hino senseï a notamment été invité par le grand danseur et chorégraphe William Forsythe à faire des stages, qui sont devenus une collaboration régulière. Les séminaires et cours d'Hino senseï rassemblent une très grande variété de pratiquants, d'arts martiaux, de danse, de sports divers et variés (olympiques notamment). Notons enfin qu'Hino senseï a tenu pendant quelques années une chronique dans le magasine Hiden.

Le voyage

Après le spectacle musical à Kichijoji (ndlr : voir vidéo ci-dessous), j'ai donné un cours à Osaka. Ensuite je suis parti à Paris au stage ouvert "spécial Budo" que je donne tous les ans. À mon retour au Japon m'attendait un autre spectacle de danse à Kobe. Ce programme était assez dur, pas pour le corps mais pour la tête, c'était difficile de changer d'esprit (ndlr. passer de la danse au Budo). Cette année j'ai pu également faire le stage à Bruxelles que l'année dernière j'avais du annuler*.

Le 25 juin à 23h30, je décolle de l'Aéroport du Kansaï (ndlr. région d'Osaka) en direction de Dubaï. J'ai choisi de faire escale à Dubaï parce qu'on peut descendre de l'avion. Lors de mon dernier voyage il a été difficile de trouver un vol et puis j'avais enfin trouvé Emirates*. Le vol était très agréable. Les places sont assez spacieuses et permettent de bien se détendre. Avec la nourriture on trouve des couverts de métal, c'est une bonne chose qu'ils ne soient pas en plastique à usage unique. Dans l'aéroport de Dubaï il y a des restaurants et bars pour fumeurs, là je prends une bière et je fume une cigarette, mon esprit s'égare vers le stage de Paris et je me dis "Oui, c'était une bonne chose de choisir ce chemin, cela me permet de changer d'esprit pour le stage" (ndlr. être mentalement prêt).

*ndlr. En 2010, Hino senseï s'est en fait trompé d'une journée. Malgré la proposition qui lui avait été faite d'annuler les stages de Bruxelles et Paris il a pris un avion en catastrophe, et le seul vol qu'il a trouvé était un vol d'une durée totale de 25H passant par Dubaï. Il ne lui a pas été possible de faire le stage de Bruxelles, mais il a bel et bien honoré ses engagements quant aux cours qu'il devait donner à Paris. Il est intéressant de voir que l'année suivante, Hino senseï choisit la même compagnie, et la même escale à Dubaï pour se rendre en Europe.

Vers Paris

À Paris j'ai d'abord fait un cours dans un dojo privé, comme d'habitude, puis le stage "ouvert" dans un centre sportif. Comme c'est la troisième année que je viens à Paris, je connais les deux tiers des élèves. Bien que ce soit des habitués, ce que je fais est difficile, alors ce sont toujours des "débutants". La seule différence entre eux et les vrais débutants est qu'ils ne posent pas de questions inutiles.

On me disait que les français ne commencent pas à travailler s'ils ne comprennent pas ce qu'ils font, ou s'ils ne sont pas d'accord avec les fondements du mouvement, mais ce n'est pas vrai. Dans mes stages il y avait beaucoup de questions les premières fois, mais maintenant il n'y en a plus... Ah si, oui, il y a une personne... qui ne comprend rien du tout et chaque fois elle pose des questions qui n'ont rien à voir avec le stage et fait rire le reste du groupe. Cette fois, je lui ai posé une question en retour : “qu'est-ce que tu veux, comprendre avec la tête ou arriver à être capable de le faire ?”. C'est comme cela qu'on commence, petit à petit, à sentir la différence entre les “mots” et la “pratique”. Donc, on ne pose pas de question, on fait intensivement du “mitori-geiko”*.

NdT. Ici Hino senseï utilise l'expression traditionnelle “mitori-geiko”, que signifie "appliquer ce qu'on a appris en regardant" (sans que le maître ne dise rien).

Hino Senseï - Paris

Hino senseï à Paris (2009)

Vers Bruxelles

Ce stage a été pour moi très particulier. Bien sûr chaque stage à Paris est aussi spécial, parce que le corps et les habilités physiques des français n'ont rien a voir avec celles des japonais et c'est toujours une excellente occasion d’expérimenter pour voir jusqu'à quel point la “théorie du corps selon Hino” peut s'adapter et fonctionner. Mais, à Bruxelles, c'était la première fois. Je pouvais avoir une vague idée de comment ça allait marcher, mais en réalité je n'en savais rien et c'est pour cela que c'était passionnant.

Le dojo où l'on a fait le stage était magnifique. Quand on monte les escaliers on trouve des tables comme dans un restaurant et on bout... un bar! Nous sommes arrivés juste à l'heure, et il y avait des pratiquants buvant quelque chose au bar. Lors du stage à Paris la proportion de jeunes était assez élevée. Bien sûr il y avaient des gens plus âgés, puisque il y avaient des professeurs, mais en général l’ambiance était plutôt jeune. A Bruxelles, j'ai l'impression que l'âge moyen était plus élevé. J'ai trouvé des gens de mon âge ou même peut-être plus âgés que moi, ainsi que de nombreux enseignants d'origines différentes. Il y avait un mélange de différents types de “dogi” (karategi, judogi...). Bref, j'ai eu l’impression que l'âge moyen était plus élevé. Ce n'était peut être qu'une simple impression, je ne saurais le dire, mais ce n'est pas si important. Ce qui est important est que le fait qu'il y avait plus de gens âgés m'a fait réfléchir, à nouveau, sur "comment aborder le Budo ?”.

Ils s'amusent, ils travaillent en disant “oui, c'est comme ça...” “non, ce n'est pas comme ça...” et je ne sens pas d'impatience ou de malaise lorsqu'ils le font. En d'autres termes, Ce n'est pas non plus une volonté de réussir à tout prix, ils essayent tout simplement, de façon très sérieuse.  Même au Japon je ne vois ce niveau de concentration qu'avec mes anciens élèves, plus habitués à travailler ma méthode. Comme la plupart des élèves étaient comme ça, il y avait, tout la journée, un bon mélange de densité et de tension (positive) dans l'air du dojo.

De l'autre côté il y avaient quelques personnes qui n'étaient pas du tout concentrés. Ces personnes étaient des gens semble-t-il “enthousiastes”. Pourtant, ils ne cherchaient pas à travailler ce que je faisais (travailler sur un point du sternum), mais ils faisaient “un exercice” qui ressemblait, ils faisaient une interprétation de ce qu'ils croyaient avoir vu et ils réussissaient immédiatement. Résultat, bien sûr, ils s'ennuyaient. J'ai bien insisté: “Il ne s'agit pas d'un exercice, c'est une méthode pour mieux connaître le corps”. Les gens qui ont perçu ça comme un exercice ne peuvent pas changer d'avis. En fait, ils ne sont pas capables d'en comprendre le sens, ils sont convaincus que “mouvoir le corps = technique”. Ils ressemblaient plus à des amis de dojo qui se distrayaient, s'amusaient. L'un devait être le prof, il montrait à son élève ce que j'avais fait en l'expliquant. Bien évidemment, il se trompait, il est impossible qu'ils aient compris ce que je faisais. Et ce n'est pas parce que c'est la première fois qu'ils voyaient mes mouvements. C'est parce qu'ils ne connaissaient pas le concept de “lien”, ni le concept autour de "l'utilisation du sternum”. Avant de me dire que ce sont des “idiots”, je me suis demandé quel était l'intérêt pour des gens comme eux d'apprendre à faire ce que je fais.

Cours au dojo de Wakayama

Cours au dojo de Wakayama

En fait, dans les mouvements que je montre, il y a des concepts que j'ai créés moi-même et travaillés depuis longtemps. Les gens qui les voient pour la première fois (et les autres) qui forcément ne sont pas “moi”, ne peuvent pas les connaître. Ils ne voient que le “mouvement”, ils le prennent comme un “exercice” et ils le font. Et s'ils réussissent à faire un mouvement qui ressemble à ce que j'ai fait, ils sont satisfaits. Quand j'ai remarqué ça, j'ai compris que, dans le passé, aucun des “Budoka” japonais s'étant expatrié en Europe n'avaient été compris. Quoi qu'ils fassent, ce serait toujours perçus comme des “exercices”. “Le plus important n'est pas le mouvement mais la relation avec le partenaire”, le point du contact, et le “kehaï(NdT. "ressentir/percevoir l'intention"). C'est ce qui est vraiment important. J'ai répété ça jusqu'à en avoir la bouche sèche, et j'ai pratiqué avec chacun d'eux pour qu'ils puissent “sentir” la sensation, le contact. Je voulais qu'ils puissent vraiment sentir qu'il ne s'agit pas d'un exercice, qu'il ne s'agit pas de la force du bras. Je voulais qu'ils comprennent que les arts martiaux traditionnels japonais ne se composent pas seulement de “mouvements corporels” mais qu'ils se basent et se construisent sur la relation et le contact avec le partenaire (l'adversaire).

“Il ne s'agit pas d'un "sport" occidental. Pour les occidentaux c'est vraiment difficile à aborder car le Budo fait partie d'une culture totalement différente, mais c'est pareil pour moi lorsque j'essaye d'apprendre la culture occidentale”.

Les gens les plus âgés pratiquent avec joie et je n'ai jamais vu ça au Japon. Peut-être s'agit-il de la manière occidentale de l'aborder.

Je pense que le “Budo” existe comme mot, mais qu'il n'existe plus en tant que pratique. Nous vivons à une époque où il ne peut plus (ou difficilement) exister. "Comment aborder le Budo de nos jours ?" est une question à laquelle le stage de Bruxelles m'a permis de réfléchir de nouveau.

Je terminerais cet article par une phrase que j'ai eu l'occasion de lire dans de nombreux textes de Hino senseï et dont je pense qu'elle résume le propos de ce récit. "Les techniques elles-mêmes n'ont aucune importance, ce qui est important, ce sont les principes universels applicables à toutes les techniques, indépendamment de l'art pratiqué".

Ces stages se sont déroulés les 28 et 29 mai 2011 à Paris et 30 et 31 mai à Bruxelles (Belgique). Suite à ces stages, Hino senseï s'est également rendu à Valence (Espagne) du 2 au 8 juillet pour un séminaire d'une semaine.

Hiden-Juillet-2011

Couverture du magasine Hiden Juillet 2011

Cet article est une traduction libre. Bien qu'une partie de notre travail consiste à faire de la traduction, nous ne sommes pas des traducteurs professionnels. Si vous trouvez une erreur, ou que vous avez un doute sur une information fournie, nous vous invitons à laisser un message ci-dessous pour que nous puissions vérifier, et corriger si nécessaire. La reprise de cet article est autorisée à condition de citer la source en toute lettre (BudoExport/Seido) et d'y placer un lien vers l'article original.*

Sources & crédits : Site internet de Hino senseï (japonais).
Page en anglais du Hino Budo Institute.
Le blog de Hino senseï (japonais).
Crédit photo : www.hino-budo.com
Toutes les photos, à l'exception de la couverture du magasine Hiden proviennent du site de Hino senseï et restent la propriété de ce dernier.
Traduction : Maho Somekawa.
Correction : Jordy Delage.

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