Une interview avec Maître Aramaki - Artisan de Bokken

Une interview avec Maître Aramaki - Artisan de Bokken

Le descendant de l’inventeur du Bokken moderne.

Août 2017, profitant des calmes mois d'été, nous voyageons à travers le Japon à destination de Miyakonojo et la région de Kishima Sankei pour visiter trois des derniers ateliers de fabrication de Bokken. Nous avons réalisé trois interviews, à commencer par une interview avec Maître Aramaki Yasuo. En voici la transcription avec informations et commentaires additionnels.

Une rencontre fantastique

Note : Cet article a été publié initiallement en Octobre 2017 sur le blog anglais de Seido.

J’ai visité ces artisans pour la première fois en 2010, il y a donc 7 ans. A cette époque, Seido était encore une insignifiante petite compagnie n’ayant pas besoin de travailler avec tous les artisans en simultané. Ce fut une simple visite durant laquelle les artisans ont eu la gentillesse de prendre le temps de présenter leur travail et nous faire visiter leurs ateliers.
Depuis ce jour en 2010, j’ai fait de mon mieux pour pouvoir travailler avec chacun d’entre eux, et ce, pour deux raisons. La première est que j’adore le travail du bois. J’étais à deux doigts de prendre la décision de devenir ébéniste à mes 16 ans et j'ai gardé cette passion pour le travail du bois toute ma vie. La seconde raison est que je souhaitais travailler avec tous les artisans, apprendre à les connaître et créer un flux de travail, une relation, qu'aucune autre entreprise n'aurait, une connection qui ne se baserait pas uniquement sur des préoccupations commerciales.
Nous avons commencé à travailler avec Horinouchi en 2010, puis ensuite rapidement avec Nidome. En 2013, nous avons commencé à travailler avec Matsuzaki et finalement avec Aramaki en 2015, faisant de Seido la seule entreprise, au Japon et à l'international, à travailler avec tous les artisans en simultané.
J’étais fier de tout cela ! Et j'appréciais travailler avec chacun d’entre eux. Mais j’avais le sentiment de ne pas en avoir fait assez, j’ai donc décidé en 2017 qu’il était nécessaire de mieux les présenter au monde entier. C’est à ce moment qu’est né notre projet de vidéos, et je suis donc fier de vous présenter ces interviews.
Et pour la suite ? Que ferons nous en 2018/19 ? Et bien, j’ai encore espoir de me salir les mains dans ces ateliers, à travailler avec eux. Je vous ferai savoir quand cela arriva !

Atelier de Bokken de maître Aramaki

Atelier de Bokken de maître Aramaki

Aramaki Budogu Mokojo

L'atelier s'intitule Aramaki Budogu Mokojo (荒牧武道具木工所). Cela signifie simplement: Atelier d’équipement d’arts martiaux en bois Aramaki. Le fondateur, Maître Aramaki (1ère génération), a commencé la fabrication de Bokken il y a environ un siècle, en 1921.
Comme son grand-père, le petit fils du fondateur, Maître Aramaki (66 ans), perpétue encore la tradition.
L'atelier Aramaki Budogu Mokojo est étonnamment petit en terme de main d'œuvre, mais est malgré tout l’un des plus grand parmis les 4 ateliers. Deux d’entre-eux sont de petites compagnies, et les deux autres sont des entreprises familiales où seulement deux ou trois artisans travaillent.
J’ai aussi été surpris d'observer l'indépendance de chaque artisan au sein de l’atelier Aramaki, totalement en dehors des normes japonaises. Mais commençons dès à présent l'interview en elle même !

Aramaki Yasuo - 3ème génération d’artisans de Bokken (Partie 1/2)

Q: Pouvez-vous nous parler des débuts des ateliers d'armes en bois de Miyakonojo ?

Le fondateur de notre entreprise.... C'était probablement durant l'ère Taisho, ou à la fin de l'ère Meiji quand mon grand-père a déménagé de Fukuoka pour s'installer à Miyakonojo. Pourquoi est-il venu à Miyakonojo ? Et bien, il réalisa qu'il y avait une abondance de chênes.
Nos ancêtres fuyaient les soldats de la famille Taira (Heike), et se cachaient dans les montagnes. Un de leur village s'appelait Aramaki et c'est à cet endroit où mon grand-père remarqua l'abondance de chênes, qu'il décida de fabriquer des Bokken, et de s'installer à Miyakonojo. C'est à Miyakonojo qu'il y a le plus de chênes et ainsi il commença à fabriquer des Bokken, puis la guerre éclata, que nous avons perdue. Après cela, les arts martiaux japonais, Budo, furent interdits. Cependant, grâce à l'approbation du Budo par le Général MacArthur, l'interdiction fut levée et la production de Bokken reprit.
Mais à cette époque, mon grand-père était déjà tombé malade. Mon père reprit l'entreprise et avec lui, ce fut le début de la deuxième génération de fabrication de Bokken. Et avec moi, c'est la troisième génération. Depuis lors, déjà 100 ans se sont écoulés. Par conséquent, nous sommes les fondateurs du Bokken à Miyakonojo..
Miyakonojo couvre plus de 90% de la fabrication de Bokken au Japon. Aujourd'hui, il reste 4 ateliers [NDLR: En 2020, ils ne sont plus que 3 ateliers] qui fournissent les Bokken pour l'intégralité du Japon, mais dans le temps, il y en avait environ 36. Ces ateliers fabriquaient les manches des pelles utilisées pour l'agriculture, des marteaux, etc. Le bois était utilisé pour fabriquer ces manches. Mais ils se mirent tous à fabriquer des Bokken car ils se vendaient bien. Donc il y avait 36 ateliers.
En Kendo, c'est surtout le Yudansha qui manipule le Bokken, et si l'on ne se souciait que de la forme du Bokken, tout en négligeant son équilibre, bien sûr, le Yudansha ne l'achètait pas. Et c'est pourquoi le secteur connu des difficultés et la plupart des entreprises durent fermer. Et maintenant, il ne reste que 4 ateliers. Tout le monde a fait des recherches, de manière à fabriquer un bokken agréable à utiliser.

Q: Comment et quand le Bokken que nous connaissons aujourd'hui fut conçu ?

Dans le passé, les Bokken étaient à peu près aussi fins qu'un pouce, ceux que mon grand-père fabriquait.
Donc quand, dans le Kendo, les armures furent créées et portées, on a commencé à frapper sur l'armure et non sur le corps directement. L'armure poussa les Bokken à devenir plus gros. Justement car on ne frappait plus sur le corps (le bokken n'avait plus à être fin pour limiter les dommages physiques). Au final, mon père (2ème génération) reçu l'autorisation par la fédération japonaise de Kendo de fabriquer leurs Bokken et c'est ainsi que fut déterminée la forme des Bokken.
Donc la forme actuelle des Bokken est celle que la génération de mon père a créée. Quand j'étais petit, je bricolais des Bokkens de différentes tailles et modèles, à l'aide de papiers journaux, pour trouver la forme idéale. Je m'en rappelle encore !
Donc, le Bokken actuel, celui que la fédération de Kendo a choisi, est celui que mon père a créé. Les autres ateliers ont acheté notre Bokken pour en copier la forme, donc aujourd'hui, on retrouve la même forme partout.

Q: Qu'en est-il des Bokken Koryu ?

Quand il s'agit de Bokken Koryu (stylisés), même s'il s'agit du Bokken d'une même école, ses spécificités, ses dimensions changent en fonction du Dojo et de l'instructeur. "Le notre est le bon, celui-là est correct...". Chaque professeur dit que sa version est la "vraie".
Quoi qu'il en soit, je leur demande de m'envoyer un échantillon dont je fabrique une copie et je leur renvoie. Sinon, ce serait impossible car tout le monde me dit "c'est celui-là le bon", "voici le vrai" ou "c'est l'original". Quelque soit le Bokken, je demande un échantillon d'abord.
Et s'ils considèrent recommander le même modèle dans l'avenir, je leur propose d'en commander un en plus que je garde ici.

Note de l'éditeur :
Je dois confesser que c’est l’une des choses les plus difficile dans mon travail. J’utilise souvent l’exemple des Bokken Katori Shinto Ryu car la taille du Kissaki (de la pointe) varie énormément d’un atelier à l’autre. Aramaki en produit des Bokken mais pas de Shoto, mais d’un autre côté il est le seul à fabriquer des Bokken Katori Shinto Ryu Naginata (sur commande).
Le Shinbukan dojo semble utiliser les armes de l’atelier Aramaki, mais Maître Sugino semble utiliser des armes de chez Horinouchi ou Nidome. “Semble”, parce que ce n’est pas une règle. J’ai pu observer au Shinbukan des Shoto qui ne provenaient assurément pas de l’atelier de maître Aramaki.
La forme est assez proche pour ne pas être un gros problème dans la plupart des cas, mais je ne peux que conseiller aux praticiens ayant un besoin très spécifique de nous contacter, car nous sommes la seule entreprise capable de contacter tous les ateliers et de comparer.

Q: Est-ce que des Budoka célèbres viennent vous voir pour définir les détails de leurs Bokken ?

Oui, ça arrive.
J'ai même rencontré le leader du Jigen Ryu et un karatéka, celui dont on raconte qu'il aurait combattu contre un tigre, Oyama sensei je crois... Il nous a offert un Saï, un de ceux en métal. "Je laisse ceci en souvenir" avait-il dit. C'était un maître avec un physique imposant. C'est ce genre de professeur que nous rencontrons.
Nous ne travaillons pas directement avec les particuliers, mais si vous avez fait beaucoup de chemin pour venir nous voir, nous ne pouvons pas refuser bien entendu. Donc les professeurs viennent nous voir, nous demandent de personnaliser la taille ou la forme, même pour des nunchaku, ou alors de changer totalement la forme. Différents professeurs avec une demande particulière, ce sont ceux-là qui viennent nous voir.
Quand nous les rencontrons, nous pouvons leur expliquer : "ce point ici peut être difficile à réaliser", etc. Par exemple, que la fibre du bois ne peut pas toujours être parfaitement alignée horizontalement, et que je ne peux pas trier tous les bois avec des fibres alignées spécifiquement. C'est ce genre de chose que j'explique quand je prends leur commande.

Note de l'éditeur :
Il est possible que Maître Aramaki confonde les noms, mais il est aussi possible qu’il ait effectivement reçu la visite de Maître Oyama et ait pensé que c’était lui qui avait combattu contre un tigre. Le nom du karatéka qui combattit le plus récemment un Tigre était Yamamoto Katsuo, et était de Miyakonojo, située non loin de l’atelier de Maître Aramaki. J’opte personnellement pour cette option.

Q: Qu'est-ce qui différencie vos Bokken de ceux des autres ateliers ?

Et bien, notre spécificité...
Nous considérons l'équilibre, ou la courbe comme quelque chose d'important. Ce sont les points sur lesquels nous insistons.
Ce que je veux dire, vous vous mettez en position avec le Bokken (Kamae), et si la courbe n'est pas bien travaillée, c'est vraiment perturbant.
Comme vous avez vu tout à l'heure, il y a un Bokken que j'ai dû retravailler, enlever un petit bout ici ou là… même si c'est un détail mineur que vous auriez à peine remarqué, je le refais.

Q: Quand vous voyez un Bokken, pouvez-vous deviner qui l'a fait ?

Oui, bien sûr, je le vois tout de suite.
Même si je ne devais voir que la pointe du Bokken, je saurais de quel atelier il provient. Il y a aussi la courbe et l'équilibre, c'est facile à deviner. C'est pourquoi, comme dit précédemment, même sur le polissage au papier de verre, nous avons tous nos tics. Mettre plus d'effort sur le côté gauche, ou le côté droit, ne pas assez polir la pointe... c'est cela nos tics ! Même si l'artisan est persuadé d'avoir fait de son mieux. Ce genre d'habitudes est clairement visible sur un Bokken.
C'est pour ça que quand je vois un Bokken qui vient de Tokyo, de la région du Kansai ou du Kanto, des pièces fabriquées pendant l'ère Edo, je me dis "wah, c'est merveilleux !" Quels fantastiques Bokken ont su créer ces artisans dans le passé. Bon, ils avaient surement beaucoup de temps aussi donc ils pouvaient faire ça ! Mais malgré tout, quel bon équilibre. Il m'arrive de recevoir des pièces exceptionnelles de ce type. Je ne pense pas être capable de le reproduire, un Bokken si merveilleux et bien équilibré...
Les gens de l'époque étaient vraiment incroyables. La manière dont l'épaisseur de la lame est ajustée vers la pointe... J'ai encore l'image de ces armes. Ce genre de Bokken, c'était vraiment du grand art réalisé par les gens de cette époque.

Note de l'éditeur :
Bien que la différence soit aujourd’hui évidente pour moi (je pourrais probablement même les reconnaitre les yeux bandés), elle ne l’est pas pour la plupart des pratiquants. Cependant le placement du sori (courbure), la forme du kissaki (pointe) ou la finition du tsukagashira (crosse / pommeau) ne suffisent pas à avoir une influence significative lors de la pratique, même à un niveau assez élevé.
(Malheureusement) Chaque atelier a sa propre capacité de production et ses spécialités, ce qui nous empêche d'offrir tous nos modèles fabriqués par chaque atelier. Un Bokken standard ou supérieur acheté sur SeidoShop provient de l'un de ces ateliers, mais nous ne pouvons pas vous laisser le choix duquel (nous acceptons les demandes avant de commander) car il serait impossible d’ajuster leur production à la demande.
Mais soyez sans craintes, nous n'avons jamais eu aucune réclamation à ce sujet. Nous avons acquis une grande expérience dans la sélection de ce que chaque atelier fait de mieux, comment il gère son approvisionnement en bois, quand et quel type de bois sera disponible, et à quelle période de l'année l’atelier est trop occupé pour produire en grande quantité. Nous jonglons avec ces paramètres pour que l'offre soit toujours disponible tout au long de l'année.

Bokken des 4 ateliers de Miaykonojo - Nidome, Matsuzaki, Horinouchi, Aramaki

Bokken Supérieur des 4 ateliers
De la gauche vers la droite : Nidome, Matsuzaki, Horinouchi, Aramaki

Q: Quelle est votre étape préférée et laquelle est la plus compliquée ?

Ce que j'aime le plus...
J'aime travailler sur le bout de la lame, les 10 derniers centimètres. C'est ce qui me plaît le plus.
La partie la plus difficile... probablement la Tsuka (poignée). La poignée est la partie que je dois retravailler plusieurs fois. Je la prends et je me dis "ça m'a l'air d'aller" et là je sens une petite bosse, ou alors c'est un peu trop petit une fois que j'ai fini de travailler dessus... Donc oui, c'est vraiment la poignée qui est la plus difficile.
Et ce que j'aime vraiment, c'est le kissaki (la pointe). C'est le plus gratifiant à faire, donner la forme au bois avec le rabot.

Note de l'éditeur :
Nous étions, bien-sûr, ent rain de parler de Bokken. Mais hors caméra nous avons aussi parlé de la difficulté à produire un Jo.
Il semble que ce soit l’une des épreuves les plus ardues dans l’industrie, surmonter cette épreuve prouve que vous êtes un artisan parfaitement expérimenté : être capable de produire un Jo parfaitement arrondi en n’utilisant que des rabots.

Q: Est-ce que vous fabriquez toujours certaines pièces entièrement à la main ?

Sur l'ébène par exemple, 70% du travail est fait à la main. Les lames de machines ne tiennent pas le coup sur un bois aussi dur. Vous faites une petite erreur avec la machine et les lames cassent. Des lames qui coûtent plusieurs dizaines de milliers de yens se sont brisées. Donc je les fais à la main, c'est plus naturel, en travaillant l'équilibre tout au long du processus de fabrication.
Le néflier est assez dense également. Au rabot, on le sent bien, c'est très dur. Et quand je rabote le bois une fois qu'il est parfaitement séché, je n'arrête pas de me dire : "Ah, qu'est-ce qu'il est dur". Le Sunuke est plus facile à travailler, et le bois part du rabot en gros morceaux. Mais le néflier est tellement ferme et compact ! C'est très lourd ! Rien d'étonnant à ce que le Hon Biwa fut souvent utilisé dans le passé pour faire des Bokken.
Les gens de cette époque ont fait une sacrée découverte avec le néflier car il est très compact.

Note de l'éditeur :
En plus du néflier et de l’ébène, Maître Aramaki fabrique à la main la plupart des Bokken Koryu.

Q: Voici des Bokken fabriqués par des artisans de France, du Portugal, et des Etats-Unis. Qu'en pensez-vous ?

France :
En utilisant des machines, c'est difficile de travailler la pointe. Les 10 derniers centimètres, vous ne pouvez pas les faire correctement à la machine. C'est ici que le talent rentre en jeu. Et vous ne pouvez pas le faire à moins d'être un artisan. L'épaisseur est bien travaillée. Vous pouvez plus ou moins faire une copie fidèle de la courbe avec un chanfrein si vous achetez un Bokken pour servir de patron.

Portugal :
Celui-ci est vraiment très bien fini n'est-ce pas ? La finition... On utilise un outil de serrage spécifique (Manriki, inventé à Miyakonojo) pour bloquer le Bokken. Comment font-ils là bas ? Est-ce que la finition a été faite à l'aide d'une machine ? Oui, c'en est un bon. L'équilibre est bon, il est lourd. Là aussi, le bois est vraiment très bon.

Etats Unis :
Est-ce que ce ne serait pas un de ces bois qu'on utilise pour les battes de baseball ? Oui, il y a quelques similarités. Le bois également... Ce serait vraiment bien si l'on avait ce type de bois ici aussi. On pourrait sûrement en trouver pour fabriquer 10 ou 20 pièces, mais dès que 200 pièces doivent être produites tous les jours, la matière première...
Il est facile d'avoir des éclats sur ce genre de bois tendre, à l'endroit de l'impact. Le chêne Japonais ne réagit pas comme ça. Il absorbe les chocs, laissant juste une marque. Ce bois-ci est tendre avec des fibres larges et peu denses, ça peut créer de petites échardes qui se sentent lorsque l'on passe la main. Ce sont des choses qui arrivent avec les bois tendres lorsque vous frappe, enfin, juste après avoir frappé.
En ce qui concerne la finition, ils sont tous très bien travaillé. Quel que soit le pays, ces artisans sont vraiment talentueux.

Bokken étrangers, France, Portugal et Etats Unis

Bokken des artisans Français (Yagyu Ryu), Portugais (Iwama Ryu) et Américains (forme originale)

Note de l'éditeur :
C'était l’une de mes moments préférés lors de chaque interview.
Je dois admettre que maître Aramaki a montré un grand intérêt et beaucoup de respect pour tous les artisans que nous avons présenté lors de cette séquence. Ces Bokken ont été fabriqués par Bernard Saligné en France, Kingfisher Wood au Etat-Unis, et Almarez Buki au Portugal.
Comme il le dit toujours, et moi également : le bois est un matériau vivant. Il se déforme naturellement, quelque soit l’utilisation faite, ou l’artisan derrière. L'important est d'utiliser du bois pouvant être plié / redressé. (Nous réaliserons bientôt une vidéo pour expliquer comment entretenir et réparer des armes déformées).

Q: Quelles sont les conséquences du manque de ressources sur la quantité et la qualité du bois ?

Tant qu'il y a de la matière première, vous pouvez fabriquer n'importe où. Ici aussi.
Je voulais tester le chêne blanc venant de l'étranger, donc j'en ai acheté, je l'ai étudié, j'ai vérifié sa solidité. On l'a toujours ici.
Une entreprise qui importe du bois depuis l'étranger est venue nous voir une fois et si jamais le chêne blanc japonais venait à disparaître, nous commencerons peut-être à acheter chez eux.
Voilà jusqu'où la discussion est allée.
Mais nous avons encore du bois, donc nous n'importons pas encore. Mais maintenant, il faut penser à l'avenir et nous y réfléchissons, car nous allons atteindre une pénurie éventuelle. J'ai un peu peur que l'offre de l'étranger ne soit pas régulière. Nous pourrions manquer de bois importés tels que l'ébène pourpre, qui est de plus en plus rare, alors que nous avions l'habitude de le travailler. Et il faut alors trouver un autre fournisseur. Si l'on se repose sur l'importation, nous risquons de finir dans une impasse.

Note de l'éditeur :
Ce sera le sujet d’un futur article à propos de l’avenir des artisans au Japon.
Avec un taux de naissance très faible, la population vieillissante, l’épuisement des ressources, cela ne s’annonce pas pour le mieux. Nous espérons qu’avec votre soutien, les choses pourront s’améliorer sur certains points. Nous ne sommes pas magiciens, mais faisons de notre mieux.

Aramaki Yasuo - 3ème génération d’artisans de Bokken (Partie 2/2)

Q: Il y a peu de jeunes artisans de nos jours, comment faites vous pour produire de telles quantités ?

Oui en effet, la population Japonaise diminue. Après tout, les jeunes évitent les métiers dangereux ou "salissants". Ce n'est pas la seule raison, mais c'est un milieu qui s'est mécanisé. Dans le temps, un artisan aurait découpé un bloc de bois avec un rabot. Combien de pièces ? Probablement moins de 20.
De nos jours, avec la mécanisation, un artisan seul peut découper 150 pièces jour [étape de dégrossissage uniquement]. Parce que tout s'est industrialisé, il n'est plus nécessaire d'être nombreux, c'est devenu beaucoup plus facile. A cause de l'industrialisation, le nombre d'artisans a diminué.
Nous aussi au final, on a tout modernisé, comme les autres ateliers, chacun travaille de sa propre façon. Mais nous étions auparavant environ 36 personnes. Nous étions en quelque sorte tous alignés sur nos établis à l'atelier, c'était comme cela que nous travaillions toute la journée. Malgré tout, comme une personne ne peut pas produire plus de 20 pièces par jour, même avec 30 personnes, on ne pouvait pas produire énormément. C'est comme ça que ça se passait.
C'est avec ma génération que la mécanisation s'est faite, et avec cela, moins d'artisans étaient nécessaires. Si l'on y pense, c'est peut-être pourquoi nous avons reçu la récompense de meilleurs "Artisans Contemporains".

Note de l'éditeur :
J’accepte la critique disant qu’il y a trop de machines pour parler de "fait main".
Cela dit, un Bokken entièrement fait main coûterait deux à quatre fois plus cher que le prix actuel, et la plupart des pratiquants ne seraient pas prêt à payer ce prix. (En particulier les Kendoka, premiers utilisateurs de Bokken dans un Japon qui compte à lui seul plus d’un million de pratiquants, et qui n'utilisent pas les Bokken tant que ça en dehors des Kendo no Kata).
Je souhaiterais que les artisans aient plus de temps pour produire des pièces de la sorte, même si elles seraient très chères.

Q: Est-ce que vous recrutez ? Est-ce difficile de trouver des employés ?

Et bien, dans une petite entreprise, ou un endroit où nous perpétuons une tradition, nous aimerions recevoir un peu de soutien de la part de l'administration, n'est-ce pas ?
Cela concerne aussi le salaire, ce genre de choses. Il faut entre 3 et 5 ans pour que quelqu'un devienne artisan, et il faut que je paie un salaire, mais en fait, je ne reçois rien d'exploitable pendant cette durée. Mais d'une manière ou d'une autre, c'est comme ça que l'on devient un artisan, en fabriquant pour l'entreprise. Et au final, cela créera de la valeur pour l'entreprise. Mais pendant 5 ans, nous ne recevons aucune aide et au final c'est comme si nous perdions de l'argent, en enseignant. C'est exactement comme cela que ça se passait dans le temps.
Mais si l'on fait comme ça, il n'y a pas d'avenir pour l'entreprise. J'aimerai énormément employer plein de jeunes et leur payer un bon salaire. Mais ce serait la faillite immédiate si nous faisions cela. Donc, nous n'avons pas d'autre choix que de faire ce que l'on peut avec les employés que nous avons déjà.

Q: Avez-vous des enfants ou y a-t-il des membres de votre famille qui pourraient vous succéder ?

Oui, absolument, j'ai un fils. C'est encore un étudiant. Mais même s'il reprenait l'entreprise, que se passerait-il ? Si cela continue comme ça, sans support de l'administration, en nous débrouillant seuls, chercher des employés et des matériaux...
Cela étant dit, pour le Kendo, il faut bien fabriquer des Bokken. Alors il faut continuer à fabriquer.... Si parmi nos employés, l'un venait à se blesser, rien que ça, cela arrêterait la production.
C'est difficile de se projeter dans le futur. C'est pourquoi nous donnons le meilleur de nous-mêmes. Mais le futur est le futur ! Et ce sera à mon fils de réfléchir à tout cela !

Q: Comment sélectionnez-vous le bois ?

Et bien, ce n'est pas comme s'il y avait suffisamment de quantité pour pouvoir choisir. Nous ne pouvons rien faire d'autre que nous reposer sur ce qui est disponible et utiliser ce que nous pouvons en fonction des produits à fabriquer. On ne peut plus mettre de côté les petits morceaux par exemple, comme on le faisait avant. Nous devons les utiliser pour faire des Shoto [Bokken courts] ou d'autres produits courts. Il n'y a plus assez de troncs désormais.
Dans le passé, nous choisissions seulement du bois parfaitement droit vieux d'au moins 50 ans, etc. Et si le cœur du bois était noir, nous ne l'acceptions pas. Et on achetait à nos conditions, strictes. Mais si je faisais ça aujourd'hui, nous n'aurions plus assez de bois à travailler.
C'est la situation actuelle.

Note de l'éditeur :
Ce n’est pas nécessairement un gros problème pour le moment. Les Bokken classiques sont fait à partir de bois de qualité inférieure, et les Bokken Supérieurs en bois de qualité supérieure. Il y a plus de produits “défectueux” qu’auparavant, mais nous faisons un gros travail de tri, et, comme nous aimons le bois, cela ne nous gêne pas de prendre le temps de faire cette tâche. Nous avons très peu de problèmes de qualité, mais nous craignons que cela ne change un jour.

Maître Aramaki inspectant la production journalière

Maître Aramaki inspectant la production journalière

Q: Comment le bois est-il découpé pour avoir un grain particulier ?

Et bien... ce n'est pas vraiment au moment de la coupe mais plutôt quand les sont déjà coupés en planches. Prêt du cœur du tronc, vous avez un grain rectiligne, mais vers les côtés, le grain est croisé. C'est parce que les anneaux de croissance de l'arbre sont comme ça.
C'est pourquoi vous avez toujours les deux, le grain rectiligne et le grain croisé dans une planche, parce que l'on découpe le tronc en planches ! Et, si vous avez disons un tronc de cèdre de 80 ou 100 ans coupé en carrés, seulement 2 à 3 morceaux auront un grain rectiligne. Pour les Bokken, c'est pareil et il devient vraiment difficile d'en fabriquer avec un beau grain rectiligne. Je ne peux gaspiller aucun bois. Je dois faire du mieux possible avec la totalité du matériau. Quand on utilise du grain croisé, le Bokken va se déformer sur les côtés, ou, si le grain est le long du "Mine", le dos du Bokken, il va se déformer vers le haut.
C'est parce que le bois est un matériau vivant, il se déforme naturellement. Mais cela dépend aussi de comment est stocké le bois. S'il est stocké bien droit, sur le sol, et à l'ombre, il n'y aura pas de gros problèmes, mais s'il est posé en diagonale contre un mur, il va se déformer. C'est à chacun de faire attention, c'est un peu le reflet de votre personnalité.

Note de l'éditeur :
J’entends souvent que le grain doit être vertical depuis la lame à la pointe, et non pas horizontal (quand vous regardez le pommeau, Bokken en main et prêt à frapper). Ce n’est ni vrai ni faux. Je ne sais pas d’où vient cette idée, mais il manque quelques clés explicatives pour que cela fasse sens.
Tout d’abord, comme maître Aramaki le dit, il n’est pas possible d’avoir seulement des grains verticaux ou horizontaux, mais ce n’est pas un problème en soit :
- Le grain vertical donne des Bokken qui se déforment facilement vers la droite ou la gauche. >> Il doit être réparé, et devient inutilisable si il est trop tordu.
- Le grain horizontal donne des Bokken qui se déforment vers le haut ou le bas et qui change légèrement la courbure. >> Il sera encore utilisable, et il n’est pas certain que les pratiquant s’en rendront compte.
- Le grain vertical donne des Bokken flexibles sur les côtés, donc si vous bloquez avec l'arête, ils vont bien absorber l'énergie.
- A l'inverse, le grain horizontal donnera plus de flexibilité sur l'arête, ce qui rend l'arme plus forte lors du blocage avec l'arête.
C’est un point important parce que le chêne japonais est un bois assez rigide et dur, pas si flexible, et en fonction de la pratique, vous pourriez vouloir un Bokken plus flexible sur l'arête pour mieux absorber les chocs. Si vous pratiquez le Kendo et ne faites pas de contact, vous aurez besoin d’un Bokken stable dans le temps (qui ne se déforme pas facilement), vous feriez donc mieux d’opter pour un Bokken à grain horizontal. Au contraire, si vous pratiquze de nombreuses techniques de type Makiotoshi... un Bokken à grain vertical serait le meilleur choix.

Q: Ça doit être difficile pour les Jo, vu qu'ils sont plus longs et plus fins ?

Oui, les commandes pour les Jo ont augmentées, mais en même temps, le matériau se raréfie, donc c'est de plus en plus dur. J'aimerais vraiment utiliser du bois avec un beau grain rectiligne... Mais c'est impossible de n'utiliser que du grain parfait. Et ça me désole vraiment. Et en même temps, je dois envoyer un produit, donc au final, je n'ai pas le choix.

Note de l'éditeur :
Pas de chance pour les Aikidoka ! (Et j’en suis moi-même un...)
Une chose que je souhaiterais préciser : Les Jo n’ont jamais été nécessairement parfaitement droit ou cylindriques. Certains le sont, d’autres non. Le fondateur de l'aïkido, Morihei Ueshiba, pratiquait avec des Bokken et Jo de piètre qualité. La plupart des maîtres d’avant la seconde guerre mondiale n’ont jamais pu s’essayer à la qualité des armes produites dans les années 60 (jusqu’aux années 90). Donc oui, je comprends que vous souhaiteriez tous un Jo parfaitement droit, mais les choses ne sont pas comme ça (ne vous méprenez cependant pas, nous parlons ici d'1 ou 2 mm, pas d’un boomerang !).

Q: C'est une industrie traditionnelle qui doit être préservée. Recevez-vous un soutien gouvernemental ?

Et bien, [les politiciens] sont occupés avec leurs propres affaires. De là à s'occuper des gens, des citoyens, et bien...
Bien que l'on m'ait déjà dit beaucoup de choses, jusqu'ici, il n'y a eu personne qui ait vraiment agi pour faire changer les choses. "C'est difficile, voyons ce que l'on peut faire." - et ça s'arrête là. Parce que ces gens, ils doivent demander à leurs supérieurs et c'est là que ça n'avance pas.

Note de l'éditeur :
Je confesse m'être un peu moqué en ajoutant une image de la mairie de Miyakonojo dans la vidéo. Mais soyons juste, les politiciens sont des politiciens, peu importe l'endroit. S'ils prenaient soin de nous, nous le saurions. Je fais ce que je peux pour les sensibiliser, comme par exemple lorsque j'ai fait une conférence lors d'un grand forum sur l'artisanat japonais en 2016 (auquel ont assisté quelques fonctionnaires). Je n’ai pas l'impression qu’il y ait eu de retombées économiques, mais je continuerai d'essayer !

Q: Est-ce que le Tsubaki (camélia) est un bon remplaçant pour le Biwa ?

Et bien, par rapport au chêne, le camélia est un bois de plus grande qualité. Vu qu'il n'y a plus de Biwa (néflier) on utilise le camélia pour le remplacer. L'apparence est similaire, bien que le poids soit un peu plus léger. La couleur et le grain sont similaires, il est très difficile de les différencier. Par le passé, les meilleurs Bokken étaient fabriqués à partir de ce très célèbre néflier.
Mais maintenant, il ne reste quasiment plus de néflier. Comme vous l'avez vu précédemment dans l'atelier, à partir de 3 arbres, combien ai-je pu sortir de Bokken ? Encore à l'instant, [il y a environ une minute lors d'une scène que nous avons coupé] on m'a ramené 3 coupes qui n'étaient finalement pas utilisables.
Donc avec 3 arbres, je ne peux faire que 6 Bokken environ, à partir de bois sans défaut. C'est comme ça désormais. Donc à partir de ces 3 arbres de néflier qui ont plus de 100 ans, je ne peux faire que 6 Bokken. Je me demande combien de temps il a séché... au moins 10 ans ou plus. Oui, ce bois a séché près de 10 ans.

Note de l'éditeur :
Attention : Quelques magasins vendent du Tsubaki (Camélia) comme étant du Hon Biwa (néflier), et cela pour un prix plus élevé que celui du Tsubaki. Et comme le dit Maître Aramaki, il est très dur de distinguer les deux.
Premièrement, Maître Aramaki est le seul à fabriquer des Bokken en Hon Biwa.
Deuxièmement, sauf indication contraire de la marque (je n'en ai jamais entendu parler), Maître Aramaki fabrique tous les Bokken Hon Biwa avec la "forme Kotobuki" qui est facile à reconnaître par ses côtés plats et sa pointe très longue. Sauf indication contraire, il signe également avec son "mei" sur la tsuka (poignée).
Assurez-vous simplement que toutes ces spécificités sont vérifiées ou que vous pouvez faire confiance à l'origine du produit dans la boutique où vous l'achetez.

Aramaki - Bokken Hon Kokutan (Ebène).

Bokken Hon Kokutan (Ebène). Signature de maître Aramaki. "Hyuga no kuni, Miyakonojo, Junin, Sandaime, Kazuhiro Saku", qui signifie "Fabriqué par Kazuhiro, 3ème du nom, résident à Miyakonojo dans la province de Hyuga.

Q: Quel bois conseilleriez-vous pour une pratique de contact, comme en Aïkido ?

Et bien... Pour l’Aïkido.. je recommanderais principalement le chêne blanc.
En ce qui concerne le camélia, il y a quelques défauts, si l'on parle de la qualité du bois. Il se déforme un peu... Comme le Bokken que vous avez amené [celui des états-unis, fait de caryer]. Et vraiment, les défauts sont assez fréquents. Si vous le faites trop sécher, le camélia devient trop léger pour être utilisé en tant que Bokken. Mais pour de la décoration, un cadeau ou quelque chose de ce genre, ou pour faire des Kata formels ça va très bien, je le recommande.
Si vous voulez vraiment pratiquer avec du contact, je ne le recommanderai pas. Sa surface, son esthétique, sont vraiment magnifiques et le grain du bois aussi. C'est un avis personnel ! Mais le camélia est souvent acheté par ceux qui aiment les beaux bois. [Jordy fait remarquer que c'est son bois préféré]
Oui, les gens qui aiment le bois ont un faible pour le camélia ! Surtout quand il est huilé plutôt que vernis, le camélia devient alors magnifique, je l'apprécie énormément.

Note de l'éditeur :
Même si le chêne blanc, et c’est confirmé par tous les artisans, est ce qu’il y a de mieux pour la pratique de contact, je recommande aussi le chêne rouge (de même que maître Nidome et maître Matsuzaki). La différence n’est pas significative, donc si vous ne pratiquez pas en contact sévère, le chêne rouge suffit. Et oui, le chêne rouge est un bois magnifique, réagissant différemment suivant qu’il soit huilé ou vernis... si vous aimez ce bois c’est une option à considérer !

Q: Reste-t-il suffisamment de bois de qualité supérieure dans la région ?

Il y en a, il y en a, mais sur des terrains du district forestier national. C'est une montagne qui appartient à l'État. Presque toute la région de Kirishima et la montagne elle-même appartiennent au pays. Mais il y en a beaucoup. Et c'est pourquoi, nous, nous tous qui travaillons dans ce domaine, avec maître Matsuzaki et Nidome, nous sommes allés tous ensemble au bureau des services forestiers pour déposer une demande. Nous avons demandé l'autorisation d'utiliser le chêne, le chêne rouge (Ichiikashi) principalement, des environs de Kirishima.
Et ils ont répondu "Ah, nous sommes désolés, mais cela fait partie de la zone protégée, aucun arbre ne peut être coupé."
Nous avons donc répondu: "Mais il y en a beaucoup, ça devrait être possible d'en couper un peu. Ils vont finir par empièter sur les chemins".
"Non, non, vous ne pouvez pas", ils ont répondu.
Donc oui, il y en a beaucoup. Ce serait formidable de pouvoir les utiliser. Et puis... si les arbres deviennent trop gros la qualité du bois diminue. A l'heure actuelle, ces arbres sont prêts à être utilisés. Et il y en a beaucoup dans la région de Kirishima.
Puisque vous y allez tout à l'heure, [juste après ce meeting] apportez une tronçonneuse avec vous et ramenez moi des troncs ! [Rires]

Kirishima Sankei Forest

Forêt de Kirishima Sankei

Note de l'éditeur :
Nous sommes allé à la forêt de Kirishima et avons même fait une petite randonnée pour se faire un avis concret.
Dur de dire si l’on devrait couper ou non, nous n’avons pas assez d’informations pour en avoir le coeur net, mais du moins, nous apprécierions que le problème soit adressé et proprement analysé par les agences gouvernementales.

Q: Qu'en est-il du Hon Biwa (néflier) ?

Quand je me balade, je peux en trouver. Il y a encore quelques gros Biwa qui poussent dans les jardins de particuliers. Je m'arrête alors tout de suite pour négocier avec eux, pour pouvoir le couper. C'est comme ça que j'ai récupéré tout le Biwa que j'ai.
Le Biwa n'est plus disponible sur les marchés aux bois. Donc si on ne le trouve pas et on ne le coupe pas par nous mêmes... Et c'est pourquoi les autres ateliers ne proposent pas de Hon Biwa.
Hmm... Combien de Bokken Biwa fabriquons-nous en 1 mois ? Je dirais 5 ou 6.
Si on en faisait trop, je devrais passer du temps à aller chercher du Biwa. Donc l'équilibre est bon à l'heure actuelle.
Durant une année, je trouve 10, 12, 13 arbres, par-ci par-là.
Parfois, les bûcherons qui travaillent en montagne, qui nous connaissent, nous passent un coup de téléphone :
- "On vient de couper un Biwa, vous le voulez ?"
- "Oui, bien sûr, s'il vous plaît ! " Et en plus, ils nous l'amènent.
Mais seulement le cœur, la meilleure partie. Quand on parle de Biwa... Les branches du Biwa commencent dès le début du tronc et ils créent ces nœuds qui traversent le grain du bois. Pour un Bokken, nous avons besoin d'1 mètre de bois rectiligne. Si une branche se développe à partir d'1m10, nous pouvons utiliser ces 1m10. Mais si les branches poussent au plus bas de l'arbre, peu importe la taille de l'arbre, on ne pourra pas en faire de Bokken. Parce que ces nœuds traversent le grain. Il semblerait qu'il y ait beaucoup de Biwa, mais aucun n'est utilisable.
C'est toute la difficulté, trouver les bons.

Note de l'éditeur :
Quel dévouement à son art.
Cela me fait réaliser que pratiquement tous les Bokken en néfliers et ébènes sont en fait envoyés à Seido...
La bonne nouvelle est qu'il n’est pas nécessaire qu’ils proviennent de la forêt de Kirishima elle-même pour qu’ils soient bon. Donc en recherchant en dehors de la ville, en étendant nos recherches à toute la région de Kyushu, cela devrait être possible de trouver de petites quantités. Je l’espère.

Aramaki - planches de Hon Biwa

Maître Aramaki et l’un de ses artisans coupant une planche de Hon Biwa

Q: C'est maintenant que nous devons en planter pour assurer l'avenir !

Oui, c'est pourquoi j'en fais pousser, juste là !
Il y en a beaucoup. Nous avons de la chance que les Biwa qui sont au coin de l'atelier fassent beaucoup de rejetons.
Donc on les plante à différents endroits.
Il sera trop tard pour moi par contre.

Conclusion

Je suis maintenant habitué à rencontrer les artisans et à discuter avec eux. Bien que la plupart d’entre eux soient ouverts et amicaux, aucun ne veut apparaître face à la caméra. Je remercie donc grandement Maître Aramaki d’avoir accepté cette interview, mais aussi pour avoir pris soin de nous durant notre séjour à Miyakonojo. Cela fut bien plus qu’une interview, et cela pour tous les artisans. Leur ouverture, leur gentillesse et le temps qu’ils ont bien voulu partager avec nous, nous a motivé à les soutenir plus encore, non pas comme étant simple acteur de cet industrie mais en tant que personne.

1 commentaire - Une interview avec Maître Aramaki - Artisan de Bokken


Publié par Francisco de los Cobos le .

Amazing interview, I love bokken and training with them, these videos are so enjoyable and informative. Thanks!


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